Une séance inaugurale hors-les-murs à la Médiathèque Françoise-Sagan

Ce compte rendu a été rédigé par Déborah Lévy-Bertherat, que nous remercions.

Le séminaire « Littérature et culture d’enfance » (Afreloce-ENS) a entamé sa treizième année avec une séance consacrée à une visite de l’exposition « Un voyage à Bologne » à la médiathèque Françoise-Sagan (Paris 10^e).

La visite a d’abord été accompagnée par Angélique Brévost, de la Charte des auteurs et illustrateurs pour la jeunesse qui défend depuis quarante-six ans les droits des créateurs. Elle a présenté le projet « Un voyage à Bologne », créé il y a dix ans par Géraldine Alibeu

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Il s’agit d’encourager les jeunes illustrateurs et illustratrices travaillant en France en leur permettant, sous le parrainage d’aînés, de rencontrer des éditeurs. Les CRL (centres régionaux du livres) sont largement sollicités pour repérer les talents. Les personnes sélectionnées par le jury professionnel (101 en 10 ans) peuvent participer à la foire de littérature jeunesse de Bologne où se rencontrent les éditeurs du monde entier. En 2021, en raison de la pandémie, le voyage n’a pas pu avoir lieu, et un leporello (livre-dépliant) a été spécialement édité pour présenter les travaux des lauréats de l’année.

L’exposition rassemble les œuvres originales ou imprimées de 50 de ces artistes, soit dans des vitrines, soit insérées sur des cartes géographiques.

Hélène Valotteau, conservatrice du fonds patrimonial jeunesse conservé à la médiathèque Françoise-Sagan, a ensuite évoqué l’histoire de ce fonds. Son origine remonte à la création de l’Heure joyeuse, première bibliothèque pour enfants créée en France. L’Heure joyeuse a été inaugurée en 1924, fondée à l’initiative du “Book Committee on Children’s Libraries”, dans le cadre de l’aide des États-Unis à la reconstruction européenne d’après-guerre (analogue au plan Marshall pour la Deuxième Guerre mondiale, mais moins connue).

 

Elle a été la première bibliothèque dédiée à la jeunesse en France, selon un modèle existant aux États-Unis, et que d’autres établissements pourraient imiter sur tout le territoire. Elle est dotée d’un mobilier à taille d’enfant spécialement importé d’Amérique (toujours en usage dans la salle des albums à la médiathèque Sagan). Elle est ouverte gratuitement aux enfants de 6 à 16 ans pour la lecture sur place ou l’emprunt, avec un public mixte, choix rare à l’époque.

L’équipe est constituée de Claire Huchet, Marguerite Gruny et Mathilde Leriche. Les jeunes lectrices et lecteurs ayant dépassé l’âge limite reviennent souvent pour faire l’accueil.

La mixité est aussi sociale, le quartier latin étant alors un quartier populaire – Charles Aznavourian, petit immigré arménien, a fait partie des lecteurs. La nature utopique du lieu ouvert, libre, organisant des lectures dans les jardins publics, des pièces de théâtre, publiant un journal (Le Rat joyeux), est liée au mouvement de l’éducation nouvelle. Paul Fouché, éditeur du Père Castor, associé aux expérimentations éducatives tchèques et soviétiques, y est invité. André Kertesz y réalise des photographies.

En 1974, la bibliothèque déménage de la rue Boutebrie à la rue des Prêtres-Saint-Séverin. La ville de Paris la reconnaît alors comme « fonds historique ». Certains ouvrages précieux proviennent de dons des bibliothécaires ou de familles. Dans l’anticipation de la crue centennale, le fonds, stocké dans une cave inondable, est mis à l’abri.

En 2015, la création de la médiathèque Sagan dans les anciens locaux de l’hôpital Saint-Lazare, offre un nouvel espace à l’Heure joyeuse. Son fonds, aujourd’hui reconnu comme patrimonial, y est conservé dans les sous-sols spécialement conçus. Parallèlement, la bibliothèque de la Joie par les livres a déménagé du boulevard de Strasbourg à la BnF.

Le fonds de l’Heure joyeuse continue d’être régulièrement enrichi, notamment dans les domaines des ouvrages populaires ou de la BD, initialement exclus par les premières directrices (comme l’étaient les albums de Martine, jugés trop genrés !). Les achats concernent aussi les livres d’artistes, coloriages, ouvrages de bibliophilie.

La médiathèque propose régulièrement des expositions dans des salles dédiées, mais des vitrines se trouvent aussi dans les salles de lecture pour les ouvrir au public. Les jeunes illustratrices et illustrateurs du collectif « Bologne » ont ainsi été invités à revisiter un livre aimé dans leur enfance pour le projet « Ce fameux livre » (2015). Plus récemment, ils ont été appelés à créer des œuvres originales autour du projet « Laboratoire du coloriage » (2017).

Le fonds patrimonial de l’Heure joyeuse, riche d’ouvrages remontant au 16^e siècle, mais aussi d’ouvrages scientifiques sur l’histoire de la littérature de jeunesse, est ouvert aux chercheur.e.s.

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